vendredi 27 février 2009

La grande symphonie

Il pleuvait. Dans l'aquarium du vestibule, les courants étaient de plus en plus forts, emportaient les étoiles en petits tourbillons. De l'autre côté de la porte, les armoires étaient vides et le plancher du salon, recouvert de chaudières, de bacs, de pots, de bols et de tasses de toutes sortes. Le plafond était troué de ciel. Il y aurait une grande symphonie.

jeudi 26 février 2009

Soirs d'août


Ces soirs d'août, il était une fois, les enfants endormis, nous courrions dans la nuit. Jusqu'au trampoline, au clair de la lune, de la terre aux joues, les cheveux en rivière. Et dans le ciel, ces soirs d'août, les reflets de nos regards. Filants.

jeudi 19 février 2009

Les maisons-îles

Tant de maisons derrière toi. Portes closes, rideaux tirés. Des maisons coupées du monde. Avec leurs rêves et leur mémoire. Des maisons à la dérive. Bleus enfuis. Tatous mouvants. Comme des petits bouts de toi. Des maisons-îles. Éparpillées. Comme des petits bouts de moi. Grains de sable sur fond de vent.

mercredi 18 février 2009

100 billets

Déjà 100 billets sur l'Atelier bleu!

lundi 16 février 2009

La belle histoire

On racontait une histoire en bas. Chez les voisins. Des Portugais. Ils parlaient fort. Je ne savais pas si c'était une belle histoire. Peut-être à cause de cette langue que je ne comprenais pas. J'avais tout arrêté. Pour écouter. Cette histoire qui devait être belle. Qui devait finir bien. C'est là qu'ils se sont tus. Dans ma cuisine, je n'entendais plus. Ils chuchotaient. De la belle histoire, il ne restait qu'un souffle. Quelques remous. Un courant froid sous le linoléum. Je me suis étendue sur le sol. Lentement. Pour écouter. La belle histoire. J'ai fermé les yeux. Pour bien entendre la fin. Une fin heureuse s'il-vous-plaît.

samedi 14 février 2009

L'armoire

Une armoire. Un peu sale et sombre aussi. Avec une porte craquelée. Une armoire basse. Qui exige que l'on s'accroupisse pour en découvrir les secrets. À genoux sur le ciment froid, j'en avais effleuré la porte. L'avais fait grincer, très lentement. À l'intérieur, des pots de grès empilés, mais aussi. Les marguerites désséchées de l'été dernier. Et une petite plante parapluie. En fleurs.

jeudi 12 février 2009

L'aquarium

C'était la nuit. Une nuit de presque printemps. De pluie. Je dansais sur un rythme lent et étrange. Portais de longues jupes. Jouais des castagnettes. Plic ploc. Tu as sursauté avant moi. Interrompu ma danse. De l'eau. Fait s'évanouir mes jupes. Le vestibule. S'envoler les castagnettes. Encore.

Pieds nus, nous avons découvert le trou béant qui avait remplacé notre plafond. Un trou pour voir le ciel. Pour accueillir les oiseaux, le soleil, les papillons. Et la pluie. Notre cabane-maison s'était ouverte au dehors. Et nous avions de l'eau aux chevilles. J'ai dit "ça sent la mer".

De petits tourbillons se formaient entre mes orteils. Caressaient les algues apparues dans mes bottes. Emportaient les poissons prenant vie dans les tiennes. Tu as demandé "et si on coule?" Mais nous n'avions pas de bateau. Qu'une cabane-maison qui prenait l'eau.

J'ai refermé la porte vitrée du vestibule. Pour que le ciel s'y déverse. Tranquillement. Et qu'on y regarde tomber les étoiles. Les pieds au sec.

lundi 9 février 2009

Se perdre

Tu étais entrée dans cette salle en cherchant ceux que tu avais connus onze ans plus tôt. Mais tu n'avais reconnu personne. Que des adultes. Figés devant les photos de l'amie disparue. Alors, tu avais fouillé les visages. Lentement. Puis soudain. Tu avais vu M. puis S. puis J. puis encore C. ... Ils étaient là. Tous là. Le regard brisé. Les joues tristes. Parmi les chemises et les robes noires. Ils étaient là. Tous là. Dans leurs grands corps d'adultes. Et tu l'avais trouvée triste, la vie. Triste, oui.

mercredi 4 février 2009

Extrait de carnet * 4

J'écris pour cette vie "que l'on ne peut atteindre qu'à travers l'écriture". J'écris pour respirer le mauve du jour. Pour transformer mes peurs en volcans et les escalader, sous le regard bienveillant des étoiles. J'écris aussi pour recoller les morceaux. D'une petite fille un peu brisée peut-être. D'une petite fille transformée en adulte. Et qui cherche un sens. Un fil. Le petit pont qui relie à l'avant, à l'hier. Écrire pour recoller. Pour recoudre. Mes petits bouts de vies. Mes petits bouts de mondes. Tant d'histoires à recolorer. Tant d'images à redécouper. Pour réinventer ma grande histoire. Encore et encore. Et m'y réfugier. La nuit venue.

Extrait de carnet * 3

Écrire, donc, avec pour seuls ancrages quelques étoiles, trois volcans et le bleu de l'ailleurs. Écrire sans forme, sans limite, sans genre. Écrire. Ce qui vient, ce qui va, ce qui émerge aussi, de très loin parfois, et qui s'étend, mot à mot, sur les pages de mon carnet. Je capte et j'écris. Les images, les murmures, les silences, les couleurs. Mais j'invente aussi. Le bonheur et la douleur. Sans me demander ce que c'est. Sans me demander pourquoi ou comment. J'écris. Je ne fais pas de littérature, ce mot bien imprécis qui rythme tant ma vie d'étudiante que celle de la maison de livres où je travaille. J'écris. Pas pour les autres. Mais pour moi. Pour écrire.

Extrait de carnet * 2

Un jour, mes petits bouts de mots, mes morceaux de temps, trouveront eux-aussi leur motif. Et le fil qu'il leur faut. Alors, mes maisons, mes volcans et mes horizons auront trouvé leur place, leur couleur, dans ma grande histoire réinventée. Ce sera ma courtepointe. Ma courtepointe de mots.

En attendant, j'écris. Encore et encore. Je trace les lettres une à une, découpe mes images, les recolle, les colore. Formant ainsi un joyeux fouillis. Ce fouillis, c'est ma liberté à moi, mon coffre à idées, mon inventé. Ce fouillis, c'est mon trajet rempli de détours, ma carte sans point ni étoile. La boussole sans aiguille qui me laisse avancer.

Extrait de carnet * 1

Assise dans ma véranda, je surveille mes chatons qui dorment au soleil. Dans l'arbre, derrière, un oiseau chante. Et cette odeur de printemps qui me donne des ailes. Combien de matinées passées ici à écrire? Combien de pages, de lignes, de mots? Chaque jour, j'écris. Des petits morceaux d'histoires, des petits bouts de vies. Chaque jour, par petites découpes. Je me demande souvent où cela me mènera. Je me dis que je finirai bien par trouver le fil qui saura rassembler tous ces morceaux. Un fil de la bonne grosseur. De la bonne couleur aussi. Un fil solide.

mardi 3 février 2009

Partons

Partons. J'ai mis ma robe fleurie. Avec les pétales mauves. Toi, ton chandail vert. Un arbre. Des feuilles. Partons. Devant, la route. Là-bas, l'horizon. Très loin, notre côte. Te souviens-tu.

Au nord. C'était l'été. Le bout du monde. Une famille. Cette cabane. Pour nous. Sur la plage. Te souviens-tu. Les étoiles. Les aurores. Et ce géant sur sa chaise. Toutes ses histoires. Palourdes en poche. Le pêcheur. Les baleines. Son bateau. Les glaciers. Tous les soirs. Pour rêver.

Partons. La route. Ses sapins. Le matin. Un peu plus loin. Et la route. La route. Jusqu'à loin. Très loin. Invitons la famille. La famille de là-bas. La commère. L'épicier. Les petits. Le capitaine. Tous ces visages. Et l'homme aux histoires. Pour qu'il nous raconte. La vie. La mer. Les îles. Leurs secrets. Pour qu'il nous raconte.

Et qu'au milieu de nulle part, nous unissions nos histoires.